10.01.2012
Andrée-Anne Blacutt - Le couronnement des vierges. Si vous n’étiez pas mort tout ceci n’existerait pas
Commissaire : Catherine Barnabé
5 au 22 octobre 2012 Vernissage : vendredi 5 octobre dès 17h
Espace Projet présente la plus récente série d’Andrée-Anne Blacutt intitulée Le couronnement des
vierges. Si vous n’étiez pas mort tout ceci n’existerait pas où elle propose un parcours visuel et sonore. Pour cette exposition qui témoigne entre autres de ses réflexions autour des deuils, des stratégies mnémoniques et du motif, elle suggère des aquarelles dont les nombreuses récurrences invitent à la fabrication de récits. L’espace de la galerie est reconstruit, de nouveaux espaces symboliques sont élaborés, permettant au lieu de se révéler et au visiteur de le considérer avec un regard renouvelé. Pour ce projet, elle collabore avec Catherine Barnabé à la mise en espace des œuvres et à l’élaboration d’un discours. Durant l’évolution du projet, leurs réflexions ce sont construites à distance à travers des échanges virtuels tournant autour de la création et des moyens d’élaborer une pensée.
Andrée-Anne Blacutt vit et travaille à Québec. Elle est actuellement inscrite à la maîtrise en arts visuels à l’Université Laval. Ce projet s’inscrit dans ses recherches de deuxième cycle.
Répétitions. Comment exercer l’esprit.
Cinq stations sont à parcourir et un dernier
espace au sous-sol clos le trajet. Une trame sonore se superpose, sept lectures
d’un même texte, en boucle, sans réel début ni fin pour le spectateur. Chaque élément,
visuel ou sonore, est constitué de motifs qui forment des couronnes ou des boucles.
Les aquarelles sont regroupées par deux. Sobre dans leur composition, chacune
invite à l’arrêt, à l’observation des détails, à la comparaison. La trame
sonore est formée de répétitions. Sept fois un récit où les personnages ne
dialoguent pas ensemble ; ils s’enchainent, se font écho. On devine
l’incarnation de divers caractères, des parties d’un même tout. Aussi, sept
interprétations différentes, qui pourraient se révéler être sept intonations.
Sept états. Sept temps. Un cycle. Un début, un milieu, une fin. Et qui
recommence.
La récurrence du motif.
Andrée-Anne Blacutt travaille l’espace
pictural en composant des motifs qui se répètent, en formant des figures inédites
à partir de ses souvenirs ou d’images glanées. Elle fait dialoguer ses œuvres
qui, par la répétition des formes, des motifs et des dispositifs spatiaux,
induisent une logique, fabriquent des récits. Les motifs sont constitués d’éléments
qui à première vue semblent disparates, mais qui font tous sens dans des
histoires communes ou individuelles. Ce sont des symboles au sens où l’entend
Paul Ricœur[1].
Des images qui, parce que plus signifiantes et mises en contexte, deviennent
symboles poétiques. Ceux-ci sont chargés d’un sens premier, large, qui peut
faire écho à plus d’un, et d’un sens second, plus intime, qui s’inscrit dans
une archéologie personnelle. Pour qu’il fasse sens, un symbole doit faire parti
d’une narration, être un élément d’un discours. Andrée-Anne Blacutt utilise des
symboles tant dans les éléments visuels que sonores : l’ogre, la
petite fille, le sportif, le diamant, la caverne. Ils renvoient tous à des références
qui flottent dans un imaginaire collectif, comme ils possèdent tous un sens
particulier pour elle, et pour le regardeur qui trace ses propres relations. Un
sens qu’elle ne nous révèle cependant que partiellement : elle ne
nous donne pas toutes les clés de son récit, mais incite à l’association, à des
dialogues. Elle laisse place à des narrations qui, additionnées, composent une
certaine mythologie.
Les motifs sont disposés comme des
couronnes. On pense : des couronnes de fleurs tressées par une jeune
fille de l’Égypte ancienne pour passer le temps, des couronnes mortuaires,
peut-être, des motifs comme des fleurs qui se répètent, qui forment des éléments
circulaires, refermés sur eux-mêmes qui recommencent sans cesse, des boucles.
Les espaces [re]composés.
Nous proposons de parcourir l’espace de la
galerie en suivant un trajet, en marquant des arrêts nécessaires, sans
astreindre une durée. N’imposant pas un rythme de lecture des images, mais
induisant le sens et suggérant de prendre le temps. L’espace est marqué,
circonscrit de nouvelles balises, ces divisions le recomposent. Les œuvres sont
disposées de façon à révéler le lieu qui est mis en valeur. On ne cherche pas à
le dissimuler mais bien à jouer avec l’architecture, à relever les défauts même,
afin d’y ancrer les œuvres. Cette façon de concevoir l’espace de l’exposition
comme faisant partie de la présentation visuelle affirme une volonté de redéfinir
les relations sensibles qui se pose comme un moyen d’enclencher de nouveaux réflexes.
Permettre d’engager des relations entre les objets et leur contexte
d’exposition, entre les visiteurs et le médium exposition.
Il y a composition d’espaces symboliques à
travers l’espace physique.
Le son superposé aux images ajoutent une
couche narrative supplémentaire. Il devient un espace métaphorique qui permet
aux visiteurs de se rapprocher de l’aspect visuel de l’exposition. Il tente de
tisser des relations entre les symboles.
Les objets architecturaux construits
divisent concrètement l’espace, et imposent des arrêts. Ils participent à la
fabrication des narrations fragmentées. À leur composition.
L’espace du sous-sol permet de clore le récit.
De briser le cycle.
L’art comme un interstice ou l’espace
sacralisé, à nouveau.
Ce parcours se veut une façon de sacraliser
l’espace de la galerie en ritualisant la visite. En divisant l’espace comme de
petits autels qui inviteraient au recueillement, nous souhaitons peut-être
faire voir l’espace et l’événement de l’exposition autrement, comme un temps
privilégié, un temps qui incite à la pose et à l’observation. Un temps qui
laisse place à l’interprétation, à l’émergence d’une réflexion sur ce que l’on
regarde, ce que l’on ressent et les relations entre les choses. Faire voir
comment nous tentons de trouver du sens, celui de l’art ou celui d’une
croyance, de se situer. Il ne s’agit pas d’imposer des rites ou même de suggérer
des interprétations. Il s’agit plutôt de laisser émerger le « sacré »,
qui, comme l’interprète Georges Bataille[2],
est une façon de sortir de soi, d’aller vers l’autre, de construire un dialogue
entre deux êtres. Le « sacré » est communication : le « sacré »
peut être un interstice qui permet la communion, les échanges.
L’art peut être une façon de produire du
discours. L’art peut être ce dialogue.
La notion de « sacré » chez Andrée-Anne
Blacutt s’énonce par des outils, en un moyen de s’inscrire dans une part plus
grande, en concevant cet espace qui permet la circulation et l’interprétation.
Mais aussi en ayant une pratique si précise et consciencieuse que cela en
devient comme une religion. Elle travaille si précisément et longuement les
motifs, s’applique à intégrer les formes les unes aux autres afin d’en créer
une seule. Elle pratique. Elle répète. Elle prend le temps. Elle recommence.
Elle doit maîtriser parfaitement les formes avant de les tracer à l’aquarelle.
La notion de pratique prend alors tous ses sens.
Cet espace symbolique. Cette pratique
artistique. Ils sont hors du temps, hors des lieux. Existent comme formes
sensibles. Cette pratique répétitive. Cet espace physique créé. Il font sens,
encadrent des récits. Ils composent.
Catherine Barnabé, commissaire
Andrée-Anne Blacutt tient à remercier :
Catherine Baril
Nicholas Belleau
Jean-Nicolas Demers
Jean-Philippe Nadeau-Marcoux
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